( Jean-Pierre Hannequart, 5 juin 2020)

La Commission européenne propose d’énormes moyens financiers à mettre en œuvre. Quant à leur utilisation, presque tout est possible. Au delà de grands principes et de vagues conditionnalités , tout est à craindre.
Beaucoup de milliards en jeu
L’enjeu est énorme. En effet, la Commission européenne a proposé le 27 mai 2020 un nouvel instrument « Next Generation EU ». Cet instrument doté d’une enveloppe de 750 milliards d’euros devrait s’ajouter à un budget renforcé pour la période 2021-2027 , de telle sorte que la capacité financière totale de l’Union devrait atteindre 1,85 billion d’euros.
Des pistes nouvelles pour l’origine des fonds
Il est question de relever temporairement le plafond des ressources propres de l’Union à 2,00 % du revenu national brut. Ces ressources propres supplémentaires pourraient provenir ( cela mérite toute notre attention) :
- du système d’échange de quotas d’émission lié aux secteurs maritime et aérien ;
- du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ;
- des bénéfices des grandes entreprises ;
- d’une taxe numérique sur les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel global est supérieur à 750 millions euros.
Trois piliers pour les dépenses
Où ira l’argent ? C’est là une question à laquelle on ne trouve d’abord en réponse que trois grands principes :
1. Soutenir les États membres en matière d’investissements et de réformes ;
2. Relancer l’économie de l’Union en attirant des investissements privés ;
3. Tirer les enseignements de la crise. ( Oui mais par qui et comment ?)
Quelques conditionnalités
Ceci dit, les financements européens devraient néanmoins respecter quelques conditionnalités. Ainsi, la Commission européenne met en avant la nécessité de correspondre aux axes de son Pacte vert européen.
Conformément à ce Pacte, on peut espérer des financements pour :
- la rénovation de bâtiments ;
- une économie plus circulaire ;
- des projets d’énergie renouvelable ;
- des transports plus propres (y compris l’installation d’un million de points de recharge pour les véhicules électriques et un coup de fouet au transport ferroviaire).
Cependant, bien d’autres axes de financement apparaissent possibles, spécialement en fonction de la stratégie européenne pour le numérique.
Tout reste à prioritiser
En réalité, le discours européen reste bien vague sur les priorités. De plus, il laisse un énorme champ libre aux autorités nationales pour les décisions concrètes de financement.
A nous, à vous donc d’agir notamment au niveau des responsables politiques nationaux (qui se retrouvent, entre autres ,au niveau du Conseil et du Parlement européen) pour que se dégagent de véritables priorités pour la relance d’un monde d’après meilleur que celui d’avant !
Ainsi que la Fondation Hulot l’a exprimé : « Le critère « do no harm » [qui ne nuit pas à l’environnement] devra être confirmé par une exclusion stricte des investissements dans les énergies fossiles. Et il faudra aller au-delà en priorisant les investissements primordiaux, alliant emploi et transition : rénovation des bâtiments, transports durables ou conversion agro-écologique »
On ajoutera que le volet social de la proposition européenne de relance est aussi bien peu consistant, que ce soit pour garantir un revenu universel à tous ou pour faire face au défi des migrations.