POUR UNE TAXATION DES TRANSACTIONS FINANCIERES

« Ce qui bloque ? La France et le lobby bancaire », selon Pierre Larrouturou

(Maxime Paquay, 10 novembre 2020)

Il est économiste, député européen (au sein du groupe S&D), et rapporteur général pour le budget européen. Pierre Larrouturou est en grève de la faim depuis fin octobre. Il milite pour une taxe européenne sur les transactions financières – mais pas uniquement. Quelque 0,1% de taxe sur les transactions financières qui rapporteraient au niveau européen entre 50 et 60 milliards d’euros par an.

 Entretien.

Que rétorquez-vous à ceux qui affirment que le capital est tellement mobile aujourd’hui, que la proposition de taxe sur les transactions financières rapporterait sans doute moins que 50 milliards d’euros ?

P.L. : « Le texte défendu par le Parlement (je suis le seul à faire grève de la faim, mais 70% des députés du Parlement européen ont voté cette proposition) a été rédigé en 2011 par la Commission Barroso – qui entre-temps est parti chez Goldman Sachs, ce n’est donc pas l’extrême gauche – contient 1200 pages d’étude d’impact. 1200 pages.

Roosevelt disait qu’il est plus dangereux d’être gouverné par l’argent organisé que par le crime organisé.

Sauf si une banque renonce à toute activité en Europe – la deuxième puissance économique au monde, je ne vois pas BNP ou la Deutsche Bank renoncer à avoir des clients en Europe – elle ne pourra pas échapper à cette petite taxe sur la spéculation« .

Si l’Union européenne veut respecter ses engagements climatiques, et donc aussi de réorientation de l’économie, vous citez des montants nécessaires de 600 milliards d’euros part an d’argent public et privé. Cette taxe est-elle à vos yeux à la fois indispensable et insuffisante ?

P.L. : « Exactement, et je ne me bats pas pour une taxe. Je me bats pour éviter que les hôpitaux s’effondrent et que l’on ne fasse rien pour le climat. Ce qu’on est en train de négocier au niveau européen, c’est le budget pour les sept prochaines années. Si vous n’avez pas d’argent pendant sept ans pour la santé, la recherche ou le climat, c’est juste une catastrophe. Pour financer l’action sur le climat, pour rattraper le temps perdu depuis trente ans, il faut effectivement 600 milliards d’euros par an, ce sont des chiffres de la Commission européenne.

Il faut de l’argent pour isoler les maisons, les écoles, les maisons de retraite, faire des transports en commun partout, transformer l’agriculture. Cela peut être génial. Rien qu’en Belgique cela peut créer entre 200.000 et 250.000 emplois. Il y aurait plein d’avantages, mais il faut lancer l’investissement ».

Comment expliquez-vous le consensus large qui se dégage autour de vos propositions (tous les groupes politiques du Parlement européen, sauf l’extrême droite) alors qu’au niveau des Etats membres, le blocage a l’air complet ?

P.L. : « Même au Parlement, cela n’a pas été simple. Mais en quelques mois, il y a eu une évolution claire. Ce qui est choquant par contre, c’est de voir que le Conseil européen refuse, notamment madame Merkel et monsieur Macron. Surtout Emmanuel Marcon, qui se fait, comme son prédécesseur, François Hollande, le porte-parole du lobby financier« .

C’est ça qui bloque aujourd’hui, le poids du lobbying bancaire ?

P.L. : « C’est très clair. Quand des gens comme Bruno Colmant me soutiennent en disant qu’il est temps de faire payer ceux qui ne paient jamais, mais aussi des syndicalistes, qui pensent qu’il faut sortir du capitalisme – mais qu’en attendant d’en sortir, c’est quand même bien si l’on sort 50 milliards de la bulle spéculative pour la mettre dans l’économie réelle, dans la santé et l’emploi, etc. Ce qui est choquant, c’est que tous les gens honnêtes arrivent à se mettre d’accord, et qu’un pays bloque« .

La France ?

P.L. : « Oui, c’est la France, hélas. C’est le lobby bancaire qui tire les ficelles. Roosevelt disait qu »il est plus dangereux d’être gouverné par l’argent organisé que par le crime organisé’.

Réaliser des profits pour les actionnaires des banques, cela ne peut pas être la boussole pour l’Europe. Il est temps de choisir. Angela Merkel a annoncé qu’elle voulait un accord historique sur le climat pour la fin de son mandat. C’est l’une des raisons qui me rend optimiste. Mais elle n’aura aucun accord historique sans budgets, et elle risque de terminer sur un échec.

Est-ce que l’Europe est au service des banquiers, des milliardaires et des traders ? Ou bien au service du bien commun, des hôpitaux et de l’emploi ? Il y a un moment où il faut choisir. Et cela se décide lors du Conseil européen, les 11 et 12 décembre prochains. »

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 Pour retrouver les propositions de Pierre Larrouturou : Taxonslaspeculation.eu

SOURCE :

https://www.rtbf.be/info/economie/detail_taxe-europeenne-sur-les-transactions-financieres-ce-qui-bloque-le-lobby-bancaire?

SOUTENONS LA PETITION : https://www.change.org/p/un-climat-de-changement-m%C3%A9dia-collaboratif-pour-%C3%A9veiller-%C3%A0-la-gravit%C3%A9-des-enjeux-%C3%A9cologiques/u/28018668

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