
Tentons un petit exercice de prospective : à quelles évolutions peut-on s’attendre pour les variables lourdes dans le contexte belgo-européen :
1) La crise systémique : une civilisation à l’agonie.
2) La mondialisation : vers une mondialisation renouvelée.
3) Le niveau local : des initiatives qui comptent.
- La crise systémique : une civilisation à l’agonie.
Voici déjà quelques années que se manifestent des crises en interrelation : crise environnementale, crise sociale, crise climatique, crise sanitaire, crise morale, crise politique,… Nous sommes confrontées à des défis qui s’apparentent à une vraie crise de civilisation.
La fin de cette crise apparait bien lointaine.
Ainsi, le remplacement des énergies fossiles sous la pression du dérèglement climatique ou pour des motifs géo-politiques va générer des dépendances européennes accrues en diverses matières premières et métaux stratégiques ( pour les voitures électriques, les éoliennes, les panneaux solaires, sans parler des nouvelles technologies de télécommunication ).
D’autre part, il est évident que des épisodes guerriers tels que l’envahissement de l’Ukraine par la Russie vont freiner la transformation positive de nos sociétés et notamment les moyens financiers pour la transition écologique : comment éviter que les milliards de l’UE pour la défense ne se prélèvent au détriment du Green New Deal ?
Quant à nos démocraties, elles démontrent chaque jour davantage les limites du régime parlementaire et poussent à l’avant-plan le populisme sinon les extrêmes de gauche comme de droite.
Et sans doute le plus grave : le fossé entre les riches et les pauvres ne cessent de s’élargir tandis que d’indispensables réformes financières et fiscales se perdent en vaines polémiques..
En résumé, notre mode de vie actuel n’est plus tenable : ainsi que l’a encore déclaré récemment Dennis Meadows (auteur du rapport publié dès 1972 « les limites à la croissance » ), notre civilisation à forte intensité énergétique et matérielle, et malgré tout fort peu socialement égalitaire, va inéluctablement sur le déclin. Autrement dit, il faut se préparer à vivre l’effondrement dans la plupart des domaines et contribuer autant que possible à des changements radicaux de civilisation.
- 2. La mondialisation : vers une mondialisation renouvelée.
Voici déjà plusieurs années que le monde s’est mondialisé et que l’Europe est devenue extrêmement dépendante dans toutes les technologies de pointe aussi bien que dans les secteurs du textile, de la pharmacie, de l’alimentation,… sans bien s’en rendre compte ni s’en préoccuper vraiment.
Avec la pandémie « Covid 19 » puis avec la guerre en Ukraine, la conscience européenne s’est quelque peu réveillée quant à sa dépendance en énergie comme en matières premières voire en produits de première nécessité. Ainsi, on évolue vers des préoccupations géo-politiques de plus en plus fortes dans les relations internationales et en particulier dans les relations commerciales (quoique l’époque coloniale a déjà été marquée par une volonté de la plupart des Nations européennes de s’accaparer de matières premières ou de ressources énergétiques).
Ceci dit, les dépendances européennes sont si grandes actuellement qu’il nous semble illusoire de vouloir développer une souveraineté échappant à toute forme d’interdépendance à l’échelle planétaire. Le défi majeur pour l’Europe est sans doute de ne pas rester systématiquement dans l’ombre de la puissance américaine (qui nous entraîne notamment dans une course aux armements revigorée, ainsi que dans la poursuite d’un capitalisme destructeur tant sur le plan social qu’écologique). Reste à soutenir une stratégie européenne basée sur de nouvelles valeurs tant écologiques que sociales avec des relations internationales diversifiées de coopération et de partenariat.
3. Le niveau local : des initiatives qui comptent.
Bien entendu, il faudrait au niveau international, en particulier au niveau mondial, un pouvoir fort avec les moyens de formuler des règles de droit et d’en sanctionner le non-respect. Mais à défaut de l’émergence d’une véritable organisation des Nations-Unies pour l’environnement et la justice sociale, notre mode de vie peut malgré tout connaître des changements majeurs sous l’impulsion de certaines autorités locales et associations non gouvernementales.
Les villes et régions apparaissent effectivement de plus en plus comme des acteurs importants pour l’application de politiques adaptées à la proximité et au développement de circuits économiques courts.
On peut manifestement compter sur un certain dynamisme d’autorités locales pour des évolutions en faveur du respect de l’écologie et des droits humains. En outre, des mouvements sociaux et des associations non gouvernementales se multiplient pour réclamer voire concrétiser de nouvelles formes de vie moins matérialistes. En particulier, on peut participer à l’essor de petites coopératives avec des impacts majeurs sur le mode d’alimentation, de construction, de mobilité,…
JPH . 13 juin 2022
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Dans le prolongement de ce propos, lire :
Christophe Schoune (dir.) Inter Environnement Wallonie D’un monde à l’autre La société civile, moteur de la transition écologique Depuis quarante ans, les organisations non gouvernementales nous alertent face aux limites de notre modèle productiviste et aux menaces planétaires qui en découlent. Les associations “environnementales” ont grandis et ont vu leur légitimité renforcée par de larges mobilisations citoyennes. En panne d’inspiration depuis la crise financière et confrontées à la montée des populismes, les politiques publiques peinent à proposer aux citoyens un nouveau modèle de bien-être et de prospérité compatible avec la préservation de notre patrimoine commun. D’un monde à l’autre : le récit d’une transformation qui est à l’œuvre. ISBN : 978-2-87003-872-7 • 112 p. |