L’effondrement est, malgré tout, hautement probable.

Je viens de,lire  d’Antoine Buéno «  L’effondrement du monde n’aura probablement pas lieu » (ed.Flammarion,2022). Ce livre fait assurément réfléchir et je vous en propose un commentaire subjectif avec une conclusion un peu différente.

L’effondrement entendu comme la fin de « la civilisation thermo-industrielle » ( avec chute considérable de la production mondiale des biens et de la population ) pourrait provenir de 3 causes :

  • La complexité du monde
  • La dégradation et l’épuisement des ressources naturelles
  • Le réchauffement climatique

MONDE COMPLEXE

Notre monde moderne se caractérise par une économie mondialisée relativement complexe . Retenons une seule donnée : un BOEING 747 comporte 6 millions de pièces détachées et 6500 fournisseurs.  

Cette complexité tient à l’hyper-technicisation verticale et l’hyper-connexion horizontale. Cependant, pareille complexité n’ est pas totalement généralisée et peut même parfois favoriser la résilience.

Ainsi , avec Antoine Buéno,  on peut admettre que «  l’hyperspécialisation et l’interdépendance du monde moderne ne semblent pas le menacer de manière systémique » .Toutefois, « les sous-produits de cette complexité que sont la consommation croissante de ressources et les dégâts toujours plus grands qu’elle cause à l’environnement sont réellement problématiques. »

PEAK OIL et PEAK EVERYTHING

Le PIC PETROLIER est inéluctable …même si l’échéance reste incertaine. L’épuisement du pétrole pose non seulement un problème de ressources énergétiques mais aussi des problèmes dans de multiples secteurs : pesticide, plastique ,vêtement ,cosmétique, peinture, médicament,..

La fin du pétrole va de pair avec celle du gaz  tandis que l’électricité trouve ses limites dans l’approvisionnement en métaux.  Par ailleurs, il faut admettre que jusqu’à présent le découplage absolu entre énergie et production est un mythe.

OUI MAIS, dit Antoine Buéno, la demande de pétrole pourrait commencer à chuter avant la production et le pic devenir indolore.  Diverses possibilités d’énergie alternative existent et « le ratio production sur réserve des métaux dérobe l’horizon de l’épuisement au fur et à mesure qu’il semble être atteint » .

Cela ne me parait pas évident, ni indolore et surtout manque d’une fine analyse du point de vue des ressources stratégiques !

A noter que l’auteur du livre écrit lui-même par ailleurs « le monde troque une dépendance aux pays producteurs d’hydrocarbures contre une dépendance aux pays producteurs de métaux . …La question des ressources rend chaotique le déploiement de la transition énergétique.»

POLLUTION

Pour Antoine Buéno, l’impact de la pollution peut être contenu. Ainsi, dit-il, si à partir d’un certain niveau de développement, la pollution sanitaire devient un problème, le pays qui l’atteint s’est suffisamment enrichi pour pouvoir la combattre.

Cette affirmation nous laisse pour le moins dubitatif.

RECHAUFFEMENT

 L’économie moderne pousse au réchauffement climatique et il s’ensuit effondrement de la biodiversité  , stress hydrique et insécurité alimentaire .  

Ce cycle vicieux est particulièrement menaçant. Toutefois, selon Antoine Buéno,

  • Famine et stress hydrique ne signifieraient pas effondrement car « la misère n’a jusqu’ ici jamais entravé la croissance planétaire », autrement dit on peut imaginer un monde futur en croissance avec une moitié de la population mourant de faim et de soif.
  • Pour l’eau, il faut observer que déjà 50 à 60% de la population mondiale ont un accès insuffisant. Mais une optimisation de l’irrigation suffirait à régler le problème du stress hydrique.
  • Pour l’alimentation, on peut considérer notamment que la consommation de viande n’est pas une fatalité et qu’il est tout à fait possible de nourrir  le bétail autrement.

L’auteur souligne néanmoins que la conjonction du pic pétrolier,  de la raréfaction des métaux,  du réchauffement et de la dégradation des terres constitue le piège de l’anthropocène  . ET que si le réchauffement climatique devient incontrôlable , l’effondrement est certain.

CONCLUSION

Finalement , Antoine Buéno se range dans le rang des «  positivistes» avec la technologie «  qui peut encore accomplir des miracles ».  Et de citer l’énergie quantique, l’agriculture cellulaire, de nouveaux robots et des OGM, les hydro-panneaux ,les biocarburants, le stockage de l’électricité, l’hydrogène vert ,les réacteurs nucléaires de quatrième génération, la fusion, le captage du carbone, la géo-ingénierie, le space mining,…

J’ai difficile de partager semblable conclusion. Si les nouvelles technologies vont apporter certaines solutions positives, elles vont aussi comporter certains impacts négatifs , En tous cas, rien ne garantit qu‘elles vont supprimer toutes les causes potentielles d’ effondrement.

En définitive, tous les arguments d’Antoine Buéno ne suffisent pas à éliminer le doute quant à un effondrement potentiel de notre civilisation. Par ailleurs, le fait est que les risques d’effondrement ne peuvent être évacués en se basant sur la seule rationalité dans un monde où la folie humaine de certains responsables politiques peut être une déterminante majeure de l’évolution.

JPH , décembre 2022

4 commentaires sur « L’effondrement est, malgré tout, hautement probable. »

    1. Peut-on être « positiviste » (au sens de « non effondriste »… oh la, la, tous ces « istes », comme c’est triste !), donc optimiste sans croire aux pseudo miracles des solutions technolog…istes ? Je le crois. Il le faudra.

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  1. C’est quoi : « l’effondrement du monde » ? Et de quel monde parle-t-on ?
    Si le « monde » c’est « la Terre », alors non, il n’y aura pas d’effondrement de la Terre , ni même de la Biodiversité. La nature est suffisamment vivace, la Vie suffisamment résiliente pour que la Terre résiste et que après la disparition de l’Homme, la biodiversité se redéploie. ….Mais la Terre ne sera plus la même. Le « monde » aura changé !
    Si le « monde » c’est la vitalité de l’économie et sa croissance, alors peut-être ce monde-là ne s’effondrera pas, ou reprendra rapidement le dessus après un creux. Encore qu’il faille s’entendre sur les indicateurs de vitalité de ce monde-là, et la manière dont on les estime ! Que veut encore dire le PIB ??? Est-ce la quantité de matières (non renouvelables en partie) consommées qui st comptabilisée, ou sa valorisation financière, qui d’un jour à l’autre peut être réestimée, dévaluée, …?
    Et si le « monde » c’est l’humanité, comment estimer sa croissance, sa stabilité ou sa chute ? Avec ce même PIB qui peut monter en flèche de manière inversément proportionnelle à la croissance de la pauvreté, de la famine, de la soif ? Si au lieu du PIB on considère le BIB , Bonheur Intérieur Brut, alors le « monde » n’est-il pas déjà en train de s’effondrer, avec la croissance de la pauvreté, de la faim, des difficultés d’accès à l’eau, à l’énergie ou au logement décent, et surtout peut-être la croissance de la virtualité du monde qui se numérise et se déshumanise, la croissance des solitudes, la décroissance des liens sociaux alors même que croissent les soit disant « réseaux sociaux » , la croissance honteuse des inégalités de richesses et de pouvoir, la croissance des burn-out et autres « maladies » mentales et du nombre de gens qui ne s’y retrouvent plus, qui n’en peuvent plus, …. ?
    Même si elle peut nous aider à résister, à résilier, ce n’est pas la technologie qui sauvera ce « monde ». C’est la croissance de la conscience et de l’âme humaine, de la solidarité, de la justice, de l’équité, …
    La Terre se venge avec fracas. La nature nous rappelle à l’ordre. Ce n’est pas à elle de changer, mais bien à l’Homme, intérieurement et dans ses comportements.

    Allez ! Peut-être qu’en 2023 on peut essayer !
    Bonne année quand même …
    Philippe GREVISSE

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  2. Antoine Buéno se range sans doute « dans le rang des positiviste avec la technologie qui peut encore accomplir des miracles » mais pas que… Cela vaut la peine de l’écouter dans « le grand débat » sur France Inter : https://podcasts.apple.com/be/podcast/le-grand-face-%C3%A0-face/id1296728998?l=fr&i=1000585948104
    J’aime assez bien l’optimisme de Jean-Pascal van Ypersele qui a pourtant toutes les raisons de ne pas l’être. Je le cite dans son interview sur RTBF Info : « j’ai sans doute la chance d’avoir un naturel optimiste mais c’est l’optimisme de la volonté. C’est en étant convaincu que l’on peut agir, qu’on a toutes les connaissances pour faire beaucoup mieux que ce qu’on a fait jusqu’à présent pour assurer un avenir bien plus rose à tout le monde à la surface de la planète et pas seulement à quelques privilégiés. Je suis optimiste pour cette raison-là, mais aussi pour une autre raison. C’est qu’en fait, le pessimisme est lié à un cercle vicieux, très vicieux en fait. Une fois qu’on est pessimiste et qu’on se dit que c’est fichu, que l’on n’y arrivera pas etc., forcément, on ne fait plus rien. On se démobilise et alors, ça ne peut aller qu’encore plus mal. C’est un choix d’être optimiste. Pour que l’optimisme ne soit pas béat, je crois qu’il faut des gens comme Buéno qui ont ces connaissances osent présenter des solutions qui restent solides malgré leurs faiblesses.

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